La réforme de la justice prud’homale après la loi Macron : État des lieux et analyse
Condamnations répétées de l’Etat liées aux dysfonctionnements de la juridiction prud’homale, délais de traitement anormalement longs, taux d’appels extrêmement élevés par rapport aux autres juridictions, professionnalisation insuffisante des conseillers prud’homaux… La justice prud’homale ne fonctionne pas.
Ce constat, partagé par la grande majorité des praticiens du droit et des justiciables, avait amené le gouvernement à une réflexion sur la justice sociale et donné lieu à différents travaux dont, en dernier lieu, le remarquable rapport de Monsieur Alain Lacabarats remis au mois de juillet 2014 à Christiane Taubira, alors Ministre de la justice (Rapport « L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle », A. Lacabarats, juill. 2014).
S’inspirant en partie de ce rapport, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « Macron », de même que ses décrets d’application des 20 mai et 18 juillet 2016, et l’ordonnance du 31 mars 2016, ont réformé la justice prud’homale en profondeur, avec pour but de la rendre plus rapide, sûre et prévisible.
I. La célérité de la justice prud’homale
Le législateur a procédé à une réforme d’envergure destinée notamment à permettre aux justiciables un accès rapide à la justice. On retrouve cette volonté à tous les stades de la procédure, de la saisine du Conseil de prud’hommes au jugement.
1.1. L’efficacité judiciaire dès la saisine
Auparavant, il n’existait pas de forme particulière pour saisir le Conseil de prud’hommes, le Code du travail prévoyant seulement que la demande devait mentionner « outre les mentions prescrites par l’article 58 du code de procédure civile […] chacun des chefs de demande » (anciens art. R. 1452-1 et R. 1452-2 C. trav.). A cet effet, les secrétariats greffes mettaient d’ailleurs à disposition des justiciables des formulaires à remplir, dont le contenu, qui variait selon les Conseils de prud’hommes, était particulièrement sommaire. Il arrivait donc assez fréquemment que les demandes ne soient formulées et chiffrées avec précision qu’au stade du bureau de jugement, lorsque le demandeur établissait ses conclusions.
Depuis le 1er août 2016, la requête doit comporter « un exposé sommaire des motifs de la demande » et « la mention de chacun des chefs de la demande », et être accompagnée des pièces du demandeur et du bordereau correspondant (art. R. 1452-2 C. trav.). Le demandeur doit donc, à tout le moins, préciser les motifs de sa demande, les chefs de demande et joindre les pièces dès le stade de la saisine. Le greffe l’invite ensuite à adresser ses pièces au défendeur avant l’audience et convoque ce dernier, en l’invitant également à communiquer les pièces qu’il entend produire (art. R. 1452-3 et R. 1452-4 C. trav.).
Ces nouvelles dispositions permettent aux parties de connaître les prétentions, moyens et pièces de leur contradicteur dès le stade de la saisine, en vue de favoriser leur conciliation et, le cas échéant, d’accélérer la mise en état du dossier. Sur ce point, une communication des principaux éléments du dossier en amont de l’audience de conciliation est effectivement de nature à assurer l’efficacité, tant du bureau de conciliation et d’orientation que, en cas d’échec de la conciliation, du bureau de jugement.
Toutefois, il convient de relever que la sanction du non-respect de ces dispositions est ambiguë. En effet, une lecture rigoureuse de l’article R. 1452-2 du Code du travail conduit à considérer que seules les mentions prévues par l’article 58 du Code de procédure civile sont prescrites à peine de nullité. Cependant, le défaut de mention des motifs et chefs de demandes ou de communication des pièces ne serait pas sanctionné, ce qui priverait les nouvelles dispositions de portée. S’il est raisonnable de penser que les praticiens ne prendront pas le risque de voir leur action déclarée irrecevable et respecteront ces dispositions, une clarification serait la bienvenue sur ce point.
1.2. Le nouveau bureau de conciliation et d’orientation
L’utilité de la phase de conciliation était discutée, compte-tenu notamment du faible taux de conciliation constaté (5,5% en 2013). De fait, elle était le plus souvent perçue par les justiciables comme une simple phase formelle, préalable à la saisine du bureau de jugement. Toutefois, la recherche d’une conciliation des parties est considérée, aujourd’hui encore, comme un élément fondateur de la juridiction prud’homale. La loi Macron et son décret d’application ont profondément réformé le bureau de conciliation et d’orientation (le « BCO »), qui voit ses pouvoirs considérablement élargis.
Ainsi, et pour ne citer que les évolutions les plus notables, le BCO assure désormais la mise en état du dossier en cas d’échec de la conciliation. A cette fin, il fixe les délais et conditions de communication des pièces et écritures entre les parties et dispose de pouvoirs étendus : fixation de séances supplémentaires, audition des parties en personne, invitation à fournir des explications, désignation d’un ou deux conseillers rapporteurs etc. (art. R. 1454-1 et s. C. trav.).
A cette fonction nouvelle s’ajoute désormais une mission de jugement, puisqu’en cas de non comparution d’une partie au jour fixé pour la tentative de conciliation sans motif légitime, le BCO peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués, voire, en cas de non comparution du demandeur, déclarer la requête et la citation caduques (art. L. 1454-1-3 C. trav. et R. 1454-12 C. trav.).
Enfin, le BCO se voit conférer une mission d’orientation puisqu’en cas d’échec de la conciliation, il peut renvoyer l’affaire :
Soit devant le bureau de jugement en formation restreinte, avec l’accord des parties et si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Soit devant le bureau de jugement présidé par un juge départiteur, si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie ;
Soit devant le bureau de jugement en formation ordinaire (article L. 1454-1-1 C. trav.).
Ces dispositions sont ambitieuses et devraient permettre de réduire les délais de procédure, en adaptant la procédure aux caractéristiques du dossier en cause et en procédant à un traitement rapide des dossiers les plus simples. Il apparaît toutefois difficile d’en mesurer les effets à ce stade, d’autant qu’elles sont appliquées diversement selon les Conseils de prud’hommes.
1.3. Au stade du jugement
Le bureau de jugement se voit, lui aussi, doté de moyens accrus et peut désormais procéder à la mise en état de l’affaire si nécessaire. A défaut pour les parties de respecter les modalités de communication qu’il a fixées, il peut juger l’affaire, la radier ou écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués après la date fixée et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense (art. R. 1454-19 C. trav).
La loi a également créé une formation restreinte du bureau de jugement, sur le modèle de la formation de référé, qui se compose de deux conseillers prud’homme, à laquelle il peut être recouru si les parties l’acceptent et si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail (art. L. 1423-13 C. L. et L. 1454-1-1 C.trav.). Cette dernière doit statuer dans un délai de 3 mois, sans que la loi ne prévoie de sanction en cas de dépassement. A cet égard, il apparaît prévisible qu’en l’absence de moyens supplémentaires, certains Conseils de prud’hommes ne respecteront pas ce délai, à l’instar du délai d’un mois qui avait été institué par la loi du 1er juillet 2014 en cas de prise d’acte par le salarié de la rupture du contrat de travail.
Auparavant, il arrivait que certains Conseils de prud’hommes prorogent leur délibéré, parfois à plusieurs reprises, laissant les parties dans l’incertitude. Désormais, si le président du bureau de jugement décide de renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, il doit en aviser les parties en précisant les motifs de la prorogation ainsi que la nouvelle date à laquelle la décision sera rendue (art. R. 1454-25 C. trav.). Cette disposition, si elle n’écarte pas cette pratique, devrait permettre de limiter les prorogations successives.
1.4. L’encadrement des spécificités de la justice prud’homale
La loi a aménagé ou supprimé certains principes qui faisaient la spécificité de la procédure prud’homale, afin de la rapprocher de la procédure de droit commun.
1.4.1. L’aménagement de l’oralité de la procédure
Le principe de l’oralité de la procédure est maintenu mais encadré pour instaurer une discipline dans les débats. Désormais, les parties peuvent se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles ont formulés par écrit et leurs observations ou prétentions formulées oralement sont notées au dossier ou consignées au procès-verbal (art. R. 1453-4 C. trav.). Lorsque toutes les parties formulent leurs prétentions par écrit et sont représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et il n’est statué que sur les prétentions énoncées au dispositif (art. R. 1453-5 C. trav.).
Ces nouvelles dispositions tiennent compte de la complexification croissante du contentieux prud’homal et du recours quasi-systématique des parties à un avocat ou un défenseur syndical. Dans ces conditions, le caractère oral de la procédure est apparu comme inadapté et source d’instrumentalisation de la procédure et d’allongement des délais. Il a donc été aménagé.
1.4.2. Les demandes nouvelles en appel, la péremption et l’unicité de l’instance
Désormais, les règles spécifiques de recevabilité des demandes nouvelles en appel, de péremption et d’unicité de l’instance ne s’appliquent plus. Ainsi, les parties ne peuvent plus formuler de demandes nouvelles devant la Cour d’appel (art. 564 C. proc. civ.) et encourent la péremption d’instance en l’absence d’accomplissement de diligences pendant un délai de deux ans (art. 386 et s. C. proc. civ.).
S’agissant de l’unicité de l’instance, l’article R. 1452-6 du Code du travail qui prévoyait que « toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance » est abrogé. Le demandeur doit donc désormais présenter l’ensemble de ses demandes dès la saisine, sous peine de devoir de nouveau saisir le Conseil de prud’hommes de ses nouvelles demandes.
Sur ce dernier point, il convient de noter qu’il est courant en matière prud’homale que la situation des parties évolue au cours de l’instance (en particulier par le licenciement du demandeur salarié). A cet égard, l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel pourrait potentiellement conduire à une augmentation du nombre de contentieux. Afin de contourner cette difficulté, les parties peuvent toutefois formuler des demandes reconventionnelles dès lors qu’elles se rattachent aux prétentions initiales par un « lien suffisant » (art. 70 C. proc. civ.). Reste à savoir l’appréciation qu’aura la jurisprudence sociale de cette notion.
II. La qualité de la justice prud’homale
2.1. La création d’un statut de défenseur syndical
Auparavant, il n’existait aucun statut, ni aucune règle sur les conditions de recrutement, de formation, de travail des « délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs et de salariés » habilitées à assister ou représenter les parties devant le Conseil de prud’hommes (ancien art. R. 1453-2).
La loi Macron a donné un véritable statut à ces « défenseurs syndicaux », en précisant leur mode de désignation, l’étendue de leur mission, leur formation et leur statut protecteur. Désormais, la liste des défenseurs syndicaux est établie par le DIRECCTE, sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés qui les désignent au niveau régional en fonction de leur expérience, des relations professionnelles et de leurs connaissances du droit social.
Le défenseur syndical est radié d’office de la liste en cas d’absence d’exercice de la mission pendant une durée d’un an, de défaut d’exercice de sa fonction à titre gratuit ou de violation de son obligation de secret et de confidentialité. Dans les entreprises d’au moins 11 salariés, il dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions, dans la limite de 10 heures par mois. Ces absences sont rémunérées par l’employeur, qui est remboursé par l’Etat.
2.2. La réforme du statut des conseillers prud’hommes
Cet aspect était sans doute celui qui cristallisait le plus de frustration de la part des praticiens du droit et des justiciables, notamment s’agissant de l’impartialité et de la formation des conseillers prud’hommes. Dans son rapport, Monsieur Lacabarats constatait d’ailleurs que certains conseillers avaient une compréhension assez floue de leurs obligations et n’hésitaient pas à invoquer le paritarisme pour écarter les questions de déontologie et d’impartialité ! S’agissant de la formation professionnelle des conseillers, elle était facultative et le plus souvent dispensée par des organismes rattachés aux organisations syndicales elles-mêmes.
Les dispositions relatives à la formation, aux obligations déontologiques et à la discipline des conseillers prud’homaux ont été profondément modifiées par la loi Macron. Ainsi, désormais « les conseillers prud’hommes exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions » (art. L. 1421-2 C. trav.). Tout manquement grave d’un conseiller à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions pourra constituer une faute disciplinaire, sanctionnée par une commission nationale de discipline créée à cet effet (art. L. 1442-13 C. trav.). Le Conseil de la prud’homie doit d’ailleurs élaborer un guide déontologique des juges et conseillers prud’hommes destiné à préciser leurs obligations. La Commission nationale de discipline des Conseillers prud’homaux a, quant à elle, été mise en place le 24 février dernier (https://www.courdecassation.fr/publ…).
La loi impose également aux conseillers prud’hommes une formation initiale organisée par l’Etat d’une durée de 5 jours en début de mandat (art L. 1442-1 C. trav.). Cette formation est obligatoire et le conseiller qui ne la suivrait pas dans un délai qui sera fixé par décret serait réputé démissionnaire. Elle est assortie d’une formation continue. Ces dispositions s’appliqueront aux conseillers désignés lors du prochain renouvellement des conseillers prud’hommes, soit au plus tard le 31 décembre 2017.
Ces mesures viennent compléter l’ordonnance du 31 mars 2016 sur les modalités de désignation des conseillers prud’homaux. On ne peut qu’approuver les dispositions relatives à la déontologie et à la discipline des conseillers prud’hommes, compte-tenu des dysfonctionnements constatés. S’agissant de leur formation, il est toutefois douteux qu’une formation initiale de cinq jours soit suffisante, compte-tenu de la technicité des thèmes abordés. Sur ce point, le rapport Lacabarats préconisait d’ailleurs une durée de quinze jours.
2.3. Les autres ajustements
Le juge départiteur est un juge du Tribunal de grande instance, et non plus du Tribunal d’instance (art. L. 1454-2 C. trav.). En revanche, la loi n’a pas renforcé le rôle de ce juge professionnel en généralisant l’échevinage, contrairement à ce que le rapport Lacabarats proposait.
Désormais, les juridictions prud’homales peuvent demander un avis à la Cour de cassation avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges (art. L. 441-2 et R. 441-1 C. org. jud.).
III. La généralisation des modes alternatifs de résolution des différends en droit du travail
Le décret du 20 mai 2016 a généralisé les modes alternatifs de résolution des différends (« MARD ») aux conflits qui s’élèvent à l’occasion du contrat de travail (art. R. 1471-1 C. trav.). Désormais, les parties peuvent donc recourir à la médiation ou à la conciliation, conventionnelle ou judiciaire, ou encore à la procédure participative, prévues par les articles 1528 et suivants du Code de procédure civile.
A cet égard, le BCO peut, quel que soit le stade de la procédure, proposer aux parties de recourir à un médiateur pour trouver une solution au litige, voire leur enjoindre d’en rencontrer un pour qu’il les informe sur l’objet et le déroulement de cette procédure. Il lui appartiendra le cas échéant de d’homologuer l’accord entre les parties (art. R.1471-2 C. trav.).
Ces nouvelles dispositions encouragent la résolution amiable des litiges. Plusieurs commentateurs ont d’ores et déjà souligné qu’elles risquent toutefois d’avoir une portée limitée, compte-tenu du caractère obligatoire de la phase de conciliation (Pour un exemple : « Etat des lieux des réformes de la justice prud’homale et questions d’actualité » A. Bugada, JCP S 2016, 1283).
IV. L’appel en matière prud’homale
Le décret du 9 décembre 2009, dit « Magendie », s’applique désormais aux appels en matière prud’homale qui relèvent en conséquence de la procédure écrite avec représentation obligatoire (art. R. 1461-2 C. trav.). L’appelant dispose donc d’un délai de trois mois pour déposer ses conclusions devant la cour d’appel à peine de caducité (art. 908 C. proc. civ.) et l’intimé de deux mois pour se constituer et répondre, sous peine d’irrecevabilité de ses conclusions (art. 903 et 909 C. proc. civ.).
Afin de tenter d’assurer une facilité d’accès des plaideurs, et en particulier des salariés, à la justice prud’homale en cause d’appel, les parties ont le choix de se faire représenter, soit par un avocat, soit par un défenseur syndical.
Cet aménagement soulève plusieurs difficultés. En premier lieu, se pose la question de l’application du régime de la postulation territoriale. En effet, le défenseur syndical peut exercer ses fonctions dans la région correspondant à la liste sur laquelle il est inscrit (art. D. 1453-2- 1 C. trav.). L’avocat ne peut quant à lui être constitué que s’il est inscrit au barreau établi auprès de la Cour d’appel saisie de l’affaire. Le champ d’intervention des défenseurs syndicaux est donc beaucoup plus vaste que celui des avocats.
En second lieu, la déclaration d’appel, la constitution d’avocat et l’échange de conclusions auprès du greffe doivent, en principe, être régularisés par voie électronique (via le Réseau Privé Virtuel des Avocats – RPVA), à peine d’irrecevabilité relevée d’office (art. 930-1 C. proc. civ.). En revanche, les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe, le décret du 20 mai 2016 ayant institué une exception spécifique à cet effet (art. 930-2 C. proc. civ.). En effet, contrairement à ce que préconisait le rapport Lacabarats, le défenseur syndical n’a pas accès au RPVA.
Les aménagements institués en faveur des défenseurs syndicaux créent donc une inégalité dans les modalités de représentation des parties. Afin d’y pallier, le Ministère de la justice a publié une circulaire le 27 juillet dernier précisant notamment que les règles de la postulation ne s’appliquent pas en matière d’appel prud’homal. Selon le Ministère, le décret du 20 mai 2016 « n’a pas pour conséquence de rendre applicables les règles de la postulation », le dit décret « ne procédant pas à une extension de la procédure avec représentation obligatoire, mais instaurant une procédure spécifique propre à la matière prud’homale » (Circ. DACS 27 juill. 2016, II A.). Dans ce cadre, l’avocat, qui ne peut techniquement utiliser le RPVA en dehors de son barreau, pourrait procéder à une transmission sur support papier, comme le prévoit l’article 930-1 du Code de procédure civile.
Toutefois, si le principe de la postulation territoriale était retenu, il pourrait être considéré que l’appel interjeté par l’avocat en dehors de son barreau est nul. De même, s’abstenir de communiquer par RPVA exposerait l’avocat à une irrecevabilité de sa déclaration d’appel ou de ses conclusions. La plus grande vigilance est donc de mise et le barreau de Paris a d’ailleurs recommandé aux avocats de solliciter l’intervention d’un postulant en cas de représentation d’une partie devant une cour d’appel autre que celle de son barreau. La Cour d’appel de Versailles a pour sa part demandé l’avis de la Cour de cassation sur les conditions de postulation devant les cours d’appel en matière prud’homale, qui devrait être publié à la fin du mois d’avril (Ord. CA Versailles 8 février 2017, n°16/04187).
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La réforme portée par la loi Macron et ses décrets d’application est de toute évidence ambitieuse. Elle dote la juridiction prud’homale, qui avait très peu évolué depuis sa création en 1806, d’outils permettant de la rendre plus rapide et efficace et rapproche la procédure prud’homale de la procédure de droit commun. Elle renforce également la qualité de la justice prud’homale en définissant le statut des conseillers prud’hommes et celui des défenseurs syndicaux.
Il est difficile d’en évaluer les effets à ce jour, un observatoire ayant d’ailleurs été mis en place à cet effet par la Direction des services judiciaires et la Direction des affaires civiles et du sceau. Toutefois, il est d’ores et déjà possible d’affirmer que les nouvelles dispositions devraient permettre à tout le moins d’amoindrir nombre des dysfonctionnements constatés.
En revanche, certaines ambiguïtés devront nécessairement être corrigées par la loi, le règlement ou la jurisprudence. Plus généralement, on peut également relever que certaines dispositions semblent être contradictoires. Ainsi, par exemple, la professionnalisation des conseillers prud’hommes est renforcée mais la généralisation de l’échevinage est écartée. L’oralité de la procédure prud’homale est maintenue, mais l’écrit est encouragé et, dans certains cas, imposé. Les parties peuvent recourir au défenseur syndical dans le cadre de la représentation obligatoire en cause d’appel, mais ces derniers bénéficient de modalités de représentation différenciées. Ces contradictions procèdent clairement d’une volonté de préserver les spécificités de la procédure prud’homale.
Toutefois, les mesures instituées seront-elles suffisantes ? Ou cette réforme ne serait-elle qu’un préalable à une refonte plus radicale de la juridiction du travail, voire à une normalisation de la justice sociale à venir ? Plusieurs voix n’ont pas manqué de s’élever pour défendre les principes fondateurs du Conseil de prud’hommes, dont notamment l’oralité de la procédure et le paritarisme . Il convient cependant de rappeler que tout justiciable a le droit de voir sa cause jugée dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (art. 6§1 CESDH). Cet impératif de justice doit nécessairement primer sur les réticences au changement.
Auteur : Lydia Hamoudi, avocate associée