Mécénat de compétences : les conseils pratiques de Lydia Hamoudi

Mécénat de compétences : les conseils pratiques de Lydia Hamoudi

 

Le mécénat de compétences a le vent en poupe ! Retour sur un dispositif souvent mal connu des entreprises et pourtant porteur d’opportunités majeures.

 

Comment les conventions de mise à disposition et les avenants aux contrats de travail des salariés sont-ils élaborés ?  

La loi de prévoit pas de « modèle type » de convention de mécénat, dont la rédaction n’est d’ailleurs pas obligatoire au plan juridique. Toutefois, ce document est très important car il définit le cadre du mécénat et les engagements des parties. Il permettra donc de limiter le risque de procédure judiciaire, qui peut survenir notamment en cas d’action du salarié ou de non réalisation du projet.

En pratique, outre les clauses indispensables relatives à la définition des parties, il est recommandé de définir strictement la durée, les objectifs et le contenu du projet, ainsi que les obligations et responsabilités respectives des parties.

L’autre point, souvent négligé, est relatif aux modalités de communication entre les parties, de pilotage et de suivi du projet. Il est également important de clarifier en amont la question du management des salariés du mécène. Enfin, prévoir des conditions de résiliation anticipées permet de définir à froid un cadre de rupture clair.

Concernant les avenants aux contrats de travail, l’enjeu principal est d’éviter le risque requalification de la relation entre le salarié et le bénéficiaire en contrat de travail. Il est donc essentiel d’indiquer clairement les modalités d’exercice des fonctions et d’exercice par l’entreprise mécène du pouvoir de direction, qui appartient à l’employeur.

 

Pour les rémunérations, qu’en est-il des primes variables (objectifs, production, horaires atypiques) existantes ?

La loi est muette sur le sujet. Il n’est pas interdit de prévoir dans l’avenant du salarié que le salaire versé sera moins élevé que celui versé lorsque le salarié travaille au sein de son entreprise, en supprimant les rémunérations variables. Toutefois, le salarié devra donner son accord et on voit mal pourquoi il le ferait, sauf peut-être lorsque le mécénat est proposé dans le cadre d’une fin de carrière ou en cas de difficultés économiques de l’entreprise.

En pratique, les entreprises mécènes maintiennent généralement la rémunération des salariés aux conditions habituelles, en ce incluant la part variable. Plusieurs modalités sont possibles, la plus simple étant de maintenir une moyenne de salaire, incluant le salaire de base et les primes, atteinte sur une période de référence donnée (ex. : 12 mois précédant le démarrage du projet).

 

Quelle relation entre le hiérarchique d’origine, l’organisation qui a le pouvoir de donner des instructions et le salarié (points d’étape, entretien d’évaluation…) ?

L’entreprise mécène reste l’employeur du salarié, qui demeure sous sa direction et son contrôle. Il est donc indispensable qu’elle assure la maîtrise et le suivi des tâches prévues dans la convention, et continue d’exercer ses prérogatives d’employeur (entretiens d’évaluation, exercice du pouvoir disciplinaire etc.).

Le bénéficiaire sera quant à lui responsable des conditions d’exécution des prestations, d’où l’importance de prévoir des modalités de communication entre les deux structures (par exemple sous forme de points d’étapes). En pratique, la désignation d’interlocuteurs permanents au sein de chaque entité est à conseiller.

 

Y a-t-il encore des zones d’incertitude en matière de prêt de main d’œuvre dans la cadre du mécénat de compétences ?

Dans son rapport de 2018, la Cour des comptes préconisait de clarifier les dispositions relatives au mécénat de compétences. La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 du 28 décembre 2018 et la loi de financement pour 2020 du 28 décembre 2019 ont clarifié le point le plus important, à savoir les modalités de valorisation du don ainsi consenti.

Malheureusement, le mécénat de compétence reste une opération assez technique, notamment du fait du risque pénal associé. En effet, le code du travail prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre (infraction de prêt illicite de main d’œuvre) ou ayant pour effet de causer un préjudice ou d’éluder l’application de dispositions légales ou conventionnelles (infraction de marchandage). Il est donc essentiel d’être accompagné par un avocat ou un conseil juridique.

 

Quels éléments pris en compte pour la défiscalisation ?

Le mécénat d’entreprise est assorti d’un régime fiscal particulièrement attractif, puisque les entreprises mécènes peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt, selon le cas, au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, égale à 60 % du montant du don (40 % pour la fraction de don excédant 2 M€), dans la limite de 10 000 € ou bien de 5 ‰ du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé (CGI, art. 238 bis).

La loi de financement pour 2020 a encadré les conditions d’exercice du mécénat de compétences en précisant que lorsque le don en nature prend la forme d’une mise à disposition de salariés de l’entreprise, le coût de revient à retenir dans la base de calcul de la réduction d’impôt correspond, pour chaque salarié mis à disposition, à la somme de sa rémunération et des charges sociales y afférentes dans la limite de trois fois le montant du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du Code de la sécurité sociale (soit 10 284 € mensuels pour 2020).

 

Transfert de compétences vers les PME TPE qui n’ont pas une mission d’intérêt général : quel cadre dans ce cas ?

En principe, le code du travail prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre (infraction de prêt illicite de main d’œuvre) ou ayant pour effet de causer un préjudice ou d’éluder l’application de dispositions légales ou conventionnelles (infraction de marchandage). Le but lucratif, qui rend la mise à disposition illicite, est caractérisé lorsque cette opération induit un avantage financier ou une économie pour l’une ou l’autre des parties.

L’ordonnance « Macron » du 22 septembre 2017 a introduit un cas nouveau de prêt de main-d’œuvre licite afin de favoriser l’entraide entre les grandes entreprises (au moins 5 000 salariés ou appartenant à un groupe de cet effectif), et les jeunes entreprises (moins de 8 ans d’existence) ou petites ou moyennes entreprises (250 salariés maximum).

Dans ce cadre, il existe désormais un régime spécifique, applicable pendant une durée limitée à deux ans. La mise à disposition doit être acceptée par le salarié par écrit et donner lieu à une convention de mise à disposition entre la grande entreprise, qui est la « prêteuse », et la jeune ou petite ou moyenne entreprise, qui est l’« utilisatrice ». Cette convention doit préciser l’identité et la qualification du salarié concerné, le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés, le cas échéant, à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse, la durée de la mise à disposition et sa finalité.

La finalité de la mise à disposition doit être conforme au texte, c’est-à-dire que l’opération doit permettre à l’entreprise utilisatrice :

  • d’améliorer la qualification de leur main-d’œuvre et/ou de favoriser les transitions professionnelles, ce qui sera le cas notamment lorsqu’il est fait appel à des personnes d’expérience, capables par exemple de former les salariés de d’assurer des actions de tutorat ;
  • et/ou de constituer un partenariat d’affaires ou d’intérêt commun, la mise à disposition pouvant alors par exemple permettre d’envoyer du personnel pour qu’il se familiarise avec l’activité ou le savoir-faire de l’entreprise utilisatrice.

L’originalité du dispositif est de permettre à l’entreprise prêteuse de facturer à l’utilisatrice une somme inférieure au coût de la mise à disposition, c’est-à-dire aux salaires versés aux salariés et aux charges sociales afférentes.

Pendant la mise à disposition, le contrat de travail du salarié n’est ni rompu, ni suspendu. Il continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse et conserve le bénéfice des mêmes dispositions conventionnelles. En revanche, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, ce qui recouvre la durée du travail, le travail de nuit le cas échéant, le repos hebdomadaire et les jours fériés, la santé et la sécurité au travail et le travail des femmes, enfants et jeunes travailleurs.

À l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.